La société Autour du Monde

Réunissant les boursiers français et diverses personnalités, la société Autour du Monde est accueillie en 1906 par Albert Kahn dans sa plus belle villa boulonnaise.

Inscrite dans la constellation d’associations œuvrant pour la paix par le droit, elle participe de l’esprit qui anime, en France, un Paul d’Estournelles de Constant (membre d’honneur de la société dès sa création) ou, aux États-Unis, un Nicolas Murray Butler et son International Mind.

 

Son originalité, dans ce contexte, tient à sa forme d’action privilégiée : plus qu’un lieu de sociabilité pour réunions militantes, elle est un véritable espace de convivialité. Le « Cercle » (ainsi que l’appellent significativement ses membres) cherche à attirer tout ce que la planète compte d’influent, dans toutes les sphères d’activité.

 

Une invitation à la société relève d’une entreprise de séduction comprenant un déjeuner, une visite des jardins, des projections, causeries et échanges intellectuels mais sans formalisme. Des rituels, mais rien d’obligatoire : ainsi, au portrait de l’invité en titre se substitue souvent celui de son conjoint et de ses enfants. Car on vient au Cercle en famille. Tagore, qui y séjourne, s’y sent comme chez lui. « Tout y est frais et gai à l’œil », lit-on en 1906 dans Le Figaro. Desfêtes des Chrysanthèmes, des célébrations de la Jeunesse et du Printemps sont organisées dans les jardins…

 

« Carrefour sur toutes les routes du monde », le Cercle demeure dans l’esprit du voyage une halte souvent éphémère mais inspirante, dégageant – écrit Bergson – « une atmosphère morale, que tiennent à venir respirer […] des hommes éminents de tous pays, plus particulièrement ceux qui caressent le rêve d’une humanité organisée et meilleure. »

 

À quoi répond le bémol de Marguerite Borel (épouse d’un sociétaire) : dans les années 1920, juge-t-elle, « Boulogne a pris un ton académique. Au lieu d’une atmosphère de camaraderie, le Cercle s’oriente vers le genre “galerie de célébrités”. Certaines sont intéressantes. D’autres auxquelles il faut des disciples et des admirateurs, intolérables. »