Du Centre de documentation à la Centrale de recoordination
Le 20 novembre 1920, Kahn fonde, pour une durée de 100 ans, une société anonyme au capital de dix millions de francs, dont la raison sociale est simplement « Centre de documentation ».
Son objet précise l’ampleur de la démarche : « Documentations scientifiques, sociales, économiques, techniques, commerciales, industrielles, financières et agricoles. »
En englobant ainsi ses fondations dans une même structure, Kahn semble vouloir lutter contre une pensée fragmentée. Sa confiance dans le progrès technique se désagrège : au début des années 1930, la « technologie » et la « technocratie » lui apparaissent comme facteurs de décoordination de tous les secteurs de la vie. Il veut, écrit-il, « défragmenter la mentalité spécialisée des cadres de la communauté ».
Ces idées sont déjà à l’œuvre lorsqu’il passe en 1929 du « Centre de documentation » à la « Centrale de recoordination ». C’est en effet sous cette appellation qu’il lègue à l’université de Paris l’ensemble de ses créations. La mission de cette Centrale n’est rien moins que de « recoordonner » la planète, bouleversée par l’accélération des progrès techniques et l’interdépendance. La méthode demeure une documentation de tous les instants et dans tous les domaines, convergeant pour déjouer les approches fragmentaires sources de jugements erronés.
Il prend ainsi ses distances avec la vision d’un progrès triomphant, héritée des Lumières, et avec la technocratie saint-simonienne. Il ne renie pas la capacité de la science à améliorer le sort de l’humanité, mais contrôlée par l’« union des éléments d’équilibre contre le déséquilibre des éléments ».