Festival Mondes en commun
Poursuivre l'inventaire d'Albert Kahn
Du 1er juin au 22 septembre
Pour sa première édition, le festival photographique Mondes en Commun, poursuivre l’inventaire d’Albert Kahn vous propose de découvrir 11 photographes réunis autour d’une même thématique : l’inventaire visuel du monde et ses déclinaisons présentes dans les collections du musée.
Ce nouveau rendez-vous, organisé en partenariat avec l’Association des Amis du Musée, s’inscrit dans la filiation des Archives de la Planète, vaste projet de captation visuelle du monde, réalisé de 1912 à 1931 à l’instigation d’Albert Kahn. Le festival propose des passerelles entre les collections historiques du musée et la création photographique contemporaine autour de la notion d’inventaire, faisant écho à la raison d’être du projet de Kahn, « un vaste inventaire photographique de la surface du globe occupé et aménagé par l’homme tel qu’il se présente au début du XXe siècle ». Mondes en Communs donne à voir des travaux d’inspiration documentaire qui cherchent à représenter méthodiquement le réel dans toute sa diversité. Comme les opérateurs des Archives de la Planète, animés par l’urgence de capter les traces d’un monde en mutation, les onze artistes présentés évoquent, chacun à leur manière, les permanences et les transformations du monde contemporain, ses émerveillements, mais aussi ses inquiétudes.
Cette première édition tisse un lien étroit entre les collections d’images et les collections végétales du musée dans un parcours conçu en dialogue avec le jardin à scènes paysagères.
En parternariat avec l'association des Amis du musée Albert-Kahn
Le festival en vidéo
Découvrez autrement les séries photographiques du festival : du studio portatif de Sanna Kannisto aux témoignages des Anglais photographiés par Daniel Meadows en passant par les paysages sous-marins de Nicolas Floc’h.
Sanna Kannisto et Nicolas Floc’h
Daniel Meadows
Italo Rigali, John Payne, Robert-Bloomer, Mrs Byford
Les artistes présentés
Thierry Ardouin
Histoire de graines 2009-2019
Pour enchanter ses invités, Albert Kahn aimait leur présenter "L’épanouissement de quelques fleurs", film réalisé en 1919 par le
biologiste Jean Comandon. Ce dernier, dont le laboratoire s’est installé dans les jardins de Kahn de 1927 à 1932, était un pionnier de la microcinématographie. Un siècle plus tard, le travail de Thierry Ardouin témoigne du même émerveillement face à l’infinie diversité du vivant. Histoires de graines débute en 2009 par la découverte du "Catalogue officiel des espèces et variétés des plantes cultivées". Thierry Ardouin collabore par la suite avec la séminothèque (graineterie) du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, qui lui fournit la majorité des quelques 500 spécimens constituant son inventaire photographique. Pour chaque « portrait de graine », il utilise une loupe macroscopique binoculaire qui révèle des couleurs et des formes insoupçonnées, étrangement fonctionnelles et poétiques.
BIO :
Thierry Ardouin, né en 1961, est co-fondateur du collectif Tendance Floue. Il s'intéresse depuis ses débuts dans la photographie aux relations de l'homme à son environnement.
Lauréat du Prix des Amis du musée département Albert-Kahn.
Daniel Meadows
The free photographic omnibus, 1973-1974/Now and then 1995-2000
Dès 1916, les invités d’Albert Kahn sont immortalisés par des portraits posés devant un rideau vert. Les modèles sont des proches ou des collaborateurs du banquier, des responsables politiques ou militaires, des artistes, des intellectuels. L’élite de l’époque défile devant l’objectif des opérateurs, constituant au fil du temps une « galerie de l’histoire » selon les mots de Kahn. Près de six décennies plus tard, c’est un portrait de la société britannique que dresse Daniel Meadows, alors âgé de 21 ans, au volant du Free Photographic Omnibus. De 1973 à 1974, il sillonne villes et villages anglais. Pas de têtes couronnées dans sa galerie ambulante : il capture les visages de l’Angleterre populaire, en collaboration avec ses modèles, à qui il offre leurs portraits dont ils ont choisi la mise en scène, complétés par des interviews et des images de reportage. Dans les années 1990, il ajoute un nouveau chapitre à son oeuvre en photographiant à nouveau certains de ses modèles d’alors, retrouvés par petites annonces pour la série "Now and Then".
BIO :
Né en 1952 dans le sud-ouest de l’Angleterre et diplômé en art de l’université de Manchester, Daniel Meadows mène depuis 50 ans une activité de photographe, documentariste, enseignant et « conteur numérique ».
Maryam Firuzi
In the shadows of Silent Women, 2023-en cours
Tisserandes à Alger, nonnes et novices bouddhistes à Hanoï, porteuses d’eau à Agra, paysannes suédoises en costume de fête :
l’humanité « en pleine vie » des opérateurs des Archives de la Planète est très largement féminine. Les femmes y sont souvent
représentées en groupe, comme des gardiennes des pratiques et savoir-faire traditionnels. L’oeuvre de Maryam Firuzi explore également les traditions et la place des femmes dans la société iranienne. Pour In the Shadows of Silent Women, elle ancre sa photographie, habituellement plus urbaine et conceptuelle, dans l’Iran rural, guidée par sa mère qui l’accompagne dans ce voyage. Chaque image témoigne d’une triple rencontre : avec un groupe de femmes, avec un paysage, avec un mode de vie ou une culture
minoritaires. Entre vision documentaire et mise en scène, entre racines familiales et exil intérieur, c’est une autre histoire du quotidien iranien qui nous est transmise.
BIO :
Née en 1986, Maryam Firuzi vit et travaille à Téhéran. Elle développe un travail photographique introspectif et métaphorique inspiré par la peinture, la poésie perse et le cinéma, autour des thèmes du genre, de l’identité et de l’expression de soi dans la société iranienne contemporaine.
Nicolas Floc’h
Initium Maris, 2015-2021
Côtes, ports, navires, vagues et rochers : la surface des mers et des océans est un leitmotiv des Archives de la Planète comme des pérégrinations d’Albert Kahn, infatigable voyageur transatlantique. Sondant un autre aspect des océans dans les Paysages productifs – titre de son travail au long cours dont fait partie la série présentée – Nicolas Floc’h dévoile quant à lui le commencement de la mer ; Initium Maris. Il fait ainsi référence à l’étymologie latine du mot Finistère, Finis Terrae, la fin de la terre. Il y capture des images inédites des forêts sous-marines bretonnes, photographiées entre 2 et 50 mètres de profondeur. Durant 150 jours, le photographe a mené une véritable expédition artistique en mer, entouré d’équipes scientifiques. La collecte de données, faite en parallèle de son protocole de prises de vue immergées, transforme ces clichés en véritable archive des écosystèmes côtiers bouleversés par le réchauffement climatique. À la fois cartographie et inventaire, le travail de Nicolas Floc’h rend visible des lieux aussi sublimes que fragiles, aussi proches qu’étrangers, dont on pressent la nécessité et l’urgence de les conserver.
BIO :
Né en 1970 à Rennes, Nicolas Floc’h y enseigne à l’EESAB en sa qualité de photographe. Il s’intéresse à la construction de l’image de paysage et au mythe de l’exploration.
Aurore Bagarry
Glaciers, 2012-2017
Les glaciers, de France et d’ailleurs, ont été largement photographiés par les opérateurs des Archives de la Planète. Ces clichés manifestent l’intérêt pour la géologie de Jean Brunhes, directeur scientifique du projet, mais aussi le goût d’Albert Kahn pour les images spectaculaires. En arpentant les paysages de montagne, Aurore Bagarry se prête à son tour au jeu du recensement : celui des sommets du Massif du Mont-Blanc, 73 glaciers photographiés sur les 80 qui le composent. Munie de sa chambre photographique, instrument lourd et exigeant un temps de prise de vue long, elle fixe l’image de ces glaciers après la fonte des neiges, entre juin et septembre. En dialogue avec des historiens de l’art et des glaciologues , elle capture ainsi la beauté d’un monde qui s’érode, constituant un atlas romantique et méthodique de ces sites fragiles et monumentaux
BIO :
Née en 1982, Aurore Bagarry est diplômée de l’Ecole des Gobelins et de l’Ecole Nationale de la Photographie d’Arles. Sa pratique photographique propose une lecture personnelle des paysages naturels en s'attachant aux éléments géologiques qui les façonnent.
Yan Morvan
Champs de bataille, Amérique, Guerres indiennes et de Sécession 2004-en cours
Dès les débuts de la Grande Guerre, Albert Kahn envoie ses opérateurs documenter les dévastations causées par le conflit, les accompagnant parfois sur le terrain. Cet homme, animé par un idéal de paix universelle, consacre ainsi une partie non négligeable des Archives de la Planète à représenter la guerre, ou plutôt, ses traces. Une obsession semblable anime Yan Morvan, grand reporter, qui, entre deux théâtres d’opérations « live » recense, depuis 2004 les traces des guerres du passé.
De l’Asie à l’Europe, de l’Antiquité aux début du XXIe siècle, plus de 250 champs de bataille ont été inventoriés à la chambre argentique, quelques 3000 clichés qui constituent une géographie de la « démence humaine ».
Ces paysages blessés, paisibles ou majestueux, dans lesquels la végétation a repris ses droits, racontent-ils encore l’histoire ?
BIO :
Né en 1954 à Paris, photographe de presse depuis 1974, double lauréat du concours World Press Photo, Yan Morvan pratique
un photojournalisme « de combat » sur tous les conflits mondiaux
Anais Tondeur
Tchernobyl Herbarium, 2011-en cours
Le monde végétal est pour Albert Kahn une source de ravissement et de curiosité, qu’il met en scène dans ses jardins où cohabitent des essences du monde entier, qu’il recherche dans les expérimentations micro-cinématographiques du biologiste Jean Comandon dont les films déforment tout autant qu’ils soulignent les rythmes de vie et la force de croissance des plantes. La pratique d’Anaïs Tondeur traque elle aussi l’invisible dans la matière même des images. Pour Tchernobyl Herbarium, elle photographie, année après année depuis 2011, les végétaux cultivés dans la zone d’exclusion de Tchernobyl par l’équipe du bio-généticien Martin Hajduch qui y étudie l’impact de la radioactivité.
BIO :
Née en 1985, diplômée du Royal College of Arts de Londres, Anaïs Tondeur travaille avec des géologues, physiciens, philosophes du vivant et anthropologues, dans des environnements en mutation, portant une attention renouvelée aux formes du vivant.
Mention spéciale du Prix des Amis du musée départemental Albert-Kahn
Nelly Monnier et Eric Tabuchi
Atlas des régions naturelles, 2017- en cours
En 1913, Jean Brunhes, directeur scientifique des Archives de la Planète, adresse une note aux opérateurs : ceux-ci doivent se
concentrer, pour leurs prises de vues, sur les « palais, monuments laïques, religieux ou équivalents, cimetières, types de maisons, décorations intérieures et extérieures, aspect général des agglomérations urbaines, champs-cultures-enclos, routes-rue jardins-cours, etc. ». C’est à peu de choses près le programme de l’Atlas des Régions Naturelles, vaste inventaire photographique de la diversité des bâtis et des paysages français entrepris en 2017 par le tandem Tabuchi-Monnier. À terme, 50 prises de vues seront réalisées dans chacune des 450 « régions naturelles », soit 22 500 photographies (la collecte en compte aujourd’hui 15 000). L’atlas recense et documente avec la même attention architectures commerciales ou administratives, vestiges industriels et monuments, en arpentant équitablement et patiemment les entrées de villes comme les espaces agricoles, les zones littorales comme la « diagonale du vide ».
BIO :
Né en 1959, Eric Tabuchi développe,après des études de sociologie, un travail photographique centré sur les typologies architecturales. Nelly Monnier, née en 1988 et diplômée des Beaux-Arts de Lyon aborde les signes distinctifs qui animent les milieux ruraux.
Bertrand Stofleth
Recoller la montagne, Atlantides et Hyperlendemains 2018-en cours
Etablir comme un dossier de l’humanité prise en pleine vie […]à l’heure critique de l’une des mues économiques, géographiques
et historiques les plus complètes que l’on ait jamais pu constater. » C’est ainsi que le géographe Jean Brunhes décrit l’intention des Archives de la Planète en 1913, peu de temps après en avoir été nommé directeur scientifique. Cette géographie humaine est aussi l’objet du travail de Bertrand Stofleth, qui scrute l’émergence de paysages véritablement contemporains, en répertoriant les usages, les représentations et les modes d’habitation. Les trois séries présentées : Atlantides, hyperlendemains et recoller la montagne documentent les conséquences des activités humaines sur des espaces où elles s’affichent de la façon la plus banale. Elles explorent des territoires — la façade atlantique, le grand Est ou encore les montagnes des Alpes — où se laisse entrevoir le double impact des transformations sociales et du changement climatique.
BIO :
Né en 1978 et diplômé de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles en 2002, Bertrand Stofleth arpente et documente les lieux intermédiaires et des infrastructures de la modernité en France.
Sanna Kannisto
Observing eye, 2014-en cours
Dans les Archives de la Planète, les rares oiseaux sont en cage ou prisonniers de motifs peints ou gravés : la technique autochrome
est peu propice à la captation des mouvements rapides, et, à vraidire, Jean Brunhes, spécialiste de géographie humaine, porte peu
d’intérêt aux animaux non domestiqués.C’est au contraire aux oiseaux sauvages, à leur splendeur fragileet leur diversité déclinante que s’intéresse Sanna Kannisto dans sa série « The Observing Eye ». Depuis 2014, en collaborationavec des scientifiques, elle photographie les oiseaux d’Europe de façon méthodique et au plus près de leur habitat dans une esthétique proche de l’illustration naturaliste. À l’aide d’un appareil numérique et d’un studio portatif de saconception, elle saisit ses sujets sur un fond blanc brillamment éclairé en magnifiant chaque détail, créant un lien poétique et fugace entre l’animal un instant immobile et l’oeil du regardeur.
BIO :
Née en 1974 en Finlande, Sanna Kannisto a étudié la photographie à l’University of Art and Design d’Helsinki. Elle s’intéresse au désir humain du contrôle de la nature tout en cherchant à préserver par la photographie les choses telles qu’elles sont, dans leur « splendeur ».
Antonio Jimenez Saiz
Felix 2009-en cours
« Travailleurs, chômez le 1er mai ! », « La femme doit voter », mais aussi « Printemps, soldes d’été » ou « Moulin Rouge : cache ton nu ! » : les villes des Archives de la Planète sont couvertes d’affiches et de slogans, graves ou cocasses. À défaut d’oreilles, leurs murs ont des voix. C’est sur un registre plus décalé que se situe le projet Félix débuté il y a dix ans par Antonio Jiménez Saiz et qui réunit aujourd’hui plus de quatre cents clichés d’affichettes de chats perdus à Bruxelles. Cette pratique est un des derniers modes d’affichages libre, intime et non publicitaire de l’espace public. Née avec la démocratisation des imprimantes personnelles, elle tend aujourd’hui à disparaitre au profit d’annonces en ligne et sur les réseaux sociaux. Cet inventaire singulier explore alors la fatalité de l’effacement, de l’image — ces déchirants appels à l’aide disparaissent sous l’effet des intempéries — et celui d’une pratique créative populaire rendue obsolète par la numérisation du monde.
BIO :
Né en 1959, Antonio Jimenez Saiz est écrivain et photographe autodidacte. Son travail expérimental, mené au gré de ses déambulations à Bruxelles, touche à l’intime et à la matérialité de l’image.
Membres du comité pour l’édition 2024 :
Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume ; Françoise Bornstein, directrice de la galerie Sit Down ; Nathalie Doury, directrice du musée départemental Albert-Kahn ; Florence Drouhet, conseillère artistique ; Jonas Cuénin, directeur éditorial du magazine Blind ; Jean Gaumy, photographe, membre de l’Académie des Beaux-Arts ; Sylvie Jumentier, présidente des Amis du musée ; Michel Lussault, géographe, directeur de l’Ecole urbaine de Lyon ; Anahita Ghabaian, directrice de la galerie Silk Road ; Clément Poché, chargé d’expositions au musée départemental Albert-Kahn