Quand l’image devient source : regards croisés autour de l’exposition Rio – Buenos Aires 1909 / Modernités sud-américaines

Table ronde

La table ronde réunira, autour des commissaires de l’exposition, des chercheurs, responsables de collections, conservateurs-restaurateurs, documentalistes et débattra de conditions d’usage de la photographie comme source pour l’histoire, des méthodologies à mettre en place et des enseignements que le collectif a pu tirer de ce fonds.

 

Constituées entre 1909 et 1932 et conservées par le musée départemental Albert-Kahn, les Archives de la Planète, sont nées de l’initiative d’Albert Kahn (1860-1940), banquier philanthrope et pacifiste. Soucieux de garder une trace pour l’avenir d’un monde en profonde mutation, intéressé par les questions politiques et sociales, et militant pour le rapprochement entre les peuples, il tire parti de l’apparition de nouveaux modes d’enregistrement mécaniques – l’autochrome (1907) et le film (1895) – pour constituer cette vaste entreprise de production d’archives visuelles. A partir de 1912, sous la direction scientifique du géographe Jean Brunhes (1869-1930), une douzaine d’opérateurs parcourent près de cinquante pays et produisent 72 000 autochromes et plus d’une centaine d’heures de films.

 

Pour Albert Kahn, la période qui précède le démarrage officiel des Archives de la Planète est un temps d’expérimentation de l’image. Entre 1908 et 1909, lors des voyages que le banquier d’affaire accomplit en Europe, en Asie ou encore en Amérique du Sud, des praticiens réalisent pour son compte de nombreuses photographies stéréoscopiques monochromes, des autochromes ainsi que des films. Les images réalisées en lors de son voyage en Amérique du Sud sont longtemps restées peu connues. Constitué de 600 photographies stéréoscopiques monochromes, 61 plaques autochromes et 3 minutes de film, cet ensemble est présenté dans l’exposition Rio – Buenos Aires 1909 / Modernités sud-américaines du 27 juin au 31 décembre 2023.

 

Les images rapportées de ce périple de deux mois dressent un portrait singulier de l’Amérique du sud. Sous le regard d’Albert Kahn et de son photographe se dessine le portrait d’un continent et de villes en pleine mutation où l’Europe apparaît comme une référence incontournable. Cet ensemble d’images réalisé de Porto jusqu’à la baie de Rio de Janeiro, en passant par Buenos Aires, Rosario, São Paulo, avant de se terminer à Lisbonne, sont le point de vue d’un banquier occidental qui fait photographier et filmer son périple. Images souvenir ? Projet documentaire en devenir ? Cet ensemble de photographies enrichit notre connaissance du continent au début du XXe siècle et des relations qui se tissent entre Europe et Amérique. Si Albert Kahn milite très tôt pour que les Archives de la Planète deviennent des documents pour l’Histoire, comment faire l’Histoire par la photographie quand les images sont muettes, pour reprendre les mots de Jorge Semprun ? Fonds partiellement ou mal légendé, sans photographe identifié et sans archives, le fonds du voyage en Amérique du Sud était une matière brute, inexploitable sans l’apport de la recherche.